12.08.2023
Durant la Première Guerre mondiale, non seulement les Arméniens furent victimes de la politique génocidaire mise en œuvre par l'Empire ottoman, mais aussi les autres minorités chrétiennes de l'empire : les Grecs, les Assyriens, ainsi que les Yézidis.
Le 7 août a été choisi comme jour de commémoration des victimes du génocide des Assyriens, officiellement déclaré Journée des martyrs assyriens en 1970
[1]. En 1933 ce jour-là dans le village kurde de Simel, au nord de l'Irak, qui en 1915 a été réinstallé avec des réfugiés, un massacre de masse d'Assyriens a eu lieu
[2].
Selon certains chercheurs, 3 000 Assyriens auraient été brûlés vifs dans deux églises chrétiennes en une seule journée. Une centaine de villages assyriens environnants ont été détruits et pillés, 6 000 hommes, femmes et enfants assyriens ont été tués
[3] et des dizaines de milliers ont été déportés de force.
Parallèlement à la commémoration de l'anniversaire des pogroms de Simel, est également commémoré le génocide des Assyriens perpétré en 1914-1923. Lors des massacres et déportations de Assyriens, qui ont eu lieu pour la plupart entre juin et octobre 1915, selon différentes estimations, entre 500 et 750 000 personnes ont été tuées.
Dans le contexte de la persécution des chrétiens dans l'Empire ottoman, l'avocat Raphael Lemkine, auteur du terme « génocide », a également évoqué la politique génocidaire contre les Assyriens. Dans le manuscrit de la taille d'un livre sur les massacres d'Arméniens, il cite notamment des témoignages du livre de l'ecclésiastique assyrien Joseph Nayem « Shall This Nation Die ? »
[4],dans lequel l'auteur présente ses observations sur le génocide commis par les Turcs contre les Assyriens, les Arméniens et les Grecs au milieu et au début des années 1915.
Cependant, Lemkine a davantage attiré l'attention sur le massacre des Assyriens par les Arabes et les Kurdes dans le village irakien de Simel
[5].
Ce n'est pas un hasard si le premier chapitre du troisième volume de l'ouvrage inachevé de l'avocat « L'Histoire du génocide », intitulé « Les Assyriens en Irak », était consacré au génocide des Assyriens en Irak
[6].
« Avant la fin de la Première Guerre mondiale, environ un million d'Arméniens furent tués à cause de politique délibérée. Les Assyriens chrétiens en Irak ont subi le même sort. C'est un génocide. L'histoire est pleine de cas de génocide »
[7], dit Lemkine dans un article inédit intitulé « Stop Genocide Now ».
En 1933 lors de la 5ème conférence internationale consacrée aux questions de droit pénal organisée à Madrid, Lemkine a pris en compte les événements du massacre des Assyriens en Irak
[8] ainsi que la réalité du génocide des Arméniens, en préparant son rapport et en présentant ses propositions sur les crimes de « barbarie » et « vandalisme ». Sur la base du rapport de Madrid, Lemkine a ensuite créé la notion de « crime de génocide ».
Narek Poghosyan, Ph.D.
Chercheur du département Vahagn Dadrian d'études comparatives sur le génocide
Remarques :
[1] “Joint NGO Statement to Commemorate Assyrian Genocide Remembrance Day,” https://www.assyrianpolicy.org/post/joint-ngo-statement-to-commemorate-assyrian-genocide-remembrance-day
[2] Marlo Safi, “The Simele Massacre & the Unsung Hero of the Genocide Convention,” National Review, July 27, 2018, https://www.nationalreview.com/2018/07/simele-massacre-1933-assyrian-victims-still-seek-justice/
[3] Alda Benjamen, Assyrians in Modern Iraq: Negotiating Political and Cultural Space (Cambridge: Cambridge University Press, 2022), 17.
[4] Joseph Naayem, Shall This Nation Die? (New York: Chaldean rescue, 1921).
[5] AJHS, Raphael Lemkin Collection, P-154, Box 9, folder 2, Armenians and Assyrians, undated.
[6] Steven L. Jacobs, “Definitions and Concepts of Genocide: Lemkin and the Concept of Genocide,” in Multidisciplinary Perspectives on Genocide and Memory, eds. Armen T. Marsoobian, Jutta Linder, (New Haven, CT.: Springer, 2018), 15.
[7] AJHS, Raphael Lemkin Collection, P-154, Box 7, folder 3, Stop Genocide Now, undated.
[8] Sargon Donabed, Reforging a Forgotten History: Iraq and the Assyrians in the 20th Century (Edinburgh, Edinburgh University Press, 2015), 110․