15.03.2022
Après la défaite de l'Empire ottoman lors de la Première Guerre mondiale, le nouveau gouvernement a décidé, avec l’insistance les Alliés, de poursuivre les membres du gouvernement Jeune-Turc et du Comité central de l’Union et progrès pour avoir impliqué l'Empire ottoman dans la guerre et organisé la déportation et le massacre des Arméniens. Cependant, la principale bande des Jeunes-Turcs (Mehmet Talaat, Ismail Enver, Ahmed Djémal, Behaeddin Chakir, Mehmet Nazim, Osman Bedri et Hussein Azmi), s’était déjà enfuie de la Turquie sur un navire de guerre allemand le 1er novembre 1918, évitant l'arrestation et la responsabilité pénale.
Pour punir les criminels Jeunes-Turcs qui avaient évité leurs responsabilités, la 9e Assemblée générale de la Fédération révolutionnaire arménienne (ARF) tenue à Erevan à l'automne 1919 sous la direction de l'ambassadeur arménien aux États-Unis Armèn Garo, a mis en place
Une Opération spéciale pour trouver et détruire les organisateurs et les auteurs du génocide des Arméniens.
Soghomon Tehlirian (1896-1960) est à juste titre le personnage le plus célèbre de
l'Affaire Spéciale (Opération Némésis), il peut être considéré comme un symbole de la revanche arménienne. Cela est dû non seulement au fait que son procès a eu une grande résonance. Avant de s'impliquer dans l'affaire spéciale, S. Tehlirian, malgré son jeune âge, a eu un riche parcours militaire, devenant le compagnon d'armes de personnalités de la lutte de libération nationale général Andranik, Sébastatsi Mourad, Kaïtsak Arakel, Sepouh et d'autres.
L'idée de cibler et de détruire Talaat en tant que principal organisateur des massacres d'Arméniens est né en 1916 dans l’esprit de Soghomon, lorsqu'un jeune volontaire, entrant dans la ville natale d’Erznka avec ses compagnons d'armes, a vu la maison de son père vidée, pillée et ruinée. Il perd connaissance en raison de graves sentiments mentaux et a eu la vision de sa mère assassinée.
Soghomon Tehlirian ne connaissait pas personnellement Talaat, il ne l'avait jamais rencontré tête à tête, il ne parlait pas du tout allemand. Une équipe professionnelle, qui avait déjà fait un gros travail de reconnaissance et d'organisation, l’attendait à Berlin pour mener à bien la mission qui lui avait été confiée.
Talaat avait changé ses informations personnelles à Berlin, vivant avec sa femme, sous le nom Ali Salih Bey dans un luxueux appartement de neuf pièces de la rue Hardenberg. Selon la légende, Ali Salih était un ancien marchand en faillite qui tenait un café oriental à Berlin. L'appartement avait été loué par l'ambassade de Turquie pour lui et sa femme. Talaat avait également changé d'apparence. Il s'était rasé la moustache et portait un chapeau européen au lieu de son fez turc préféré. La recherche de Talaat était dirigée depuis Boston, d'où des télégrammes codés étaient régulièrement envoyés. S. Tehlirian parvient à louer un appartement à côté de l'appartement de Talaat et le suit de près pendant plusieurs jours.
Talaat a été révélé. Son identité a été soigneusement vérifiée, car il était possible qu'aucune personne accidentelle ne soit blessée pendant l'opération. Sa condamnation à mort a été exécutée le 15 mars 1921, la veille de la signature du traité anti-arménien de Moscou. Le jour de l'exécution n'a pas été choisi par hasard, car lors de la conférence russo-turque (26 février-16 mars 1921), qui aboutit au traité d'amitié et de fraternité à Moscou, les bolcheviks et les kémalistes décident les territoires d’Arménie sans participation de la partie arménienne. Ce matin-là, dans la rue Hardenberg à Berlin, le vengeur du peuple S. Tehlirian tire sur Talaat Pacha, le principal auteur du génocide arménien. Seul Salomon savait que celui qui avait tué était Talaat.
Tehlirian a été arrêté sur les lieux du meurtre et emmené au poste de police, où l'interrogatoire a commencé. Comme il ne parlait presque pas allemand au moment de l'interrogatoire, en tant que citoyen turc, on lui a proposé d'être interrogé en turc. Cependant, à la demande de Tehlirian, l'interrogatoire a été mené par un traducteur arménien. Il a affirmé que Talaat avait été tué par vengeance, qu'il avait agi seul et n'avait aucun complice.
Le corps d'Ali Salih a été identifié par son vieil ami Behaeddin Chakir, qui a confirmé que la victime était l'ancien grand vizir turc Talaat. Talaat n'a été enterré que le 5e jour de sa mort, car les autorités turques lui ont interdit d'être enterré dans son pays natal. Les anciens alliés, les Allemands, ont organisé les somptueuses funérailles de Talaat à Berlin : de nombreuses couronnes, des Turcs de différents pays, des discours anti-arméniens et des appels….
Au cours du procès (Berlin, 2/3 juin 1921), un officier allemand de haut rang, Liman von Sanders, une personnalité publique bien connue, le pro-arménien Johannes Lepsius, et des survivants du génocide des Arméniens ont témoigné. Tehliryan était défendu par des avocats renommés Adolf von Gordon, un conseiller juridique secret, Johannes Werthauer, un conseiller juridique, et Niemeyer, professeur de droit à l'Université de Kiel. Ses avocats disposaient de télégrammes originels du ministre de l’Intérieur turc, dans lesquels celui-ci avait donné l’ordre de l’extermination et de la déportation des Arméniens, afin d’argumenter le crime de Talaat.
En termes juridiques, la défense de Tehlirian était fondée sur l'article 51 du code pénal allemand, qui prévoyait :
"Il n'y a pas d'acte punissable si le criminel était inconscient au moment de l'acte ou présente un trouble pathologique de l'activité mentale, en raison duquel sa volonté est exclue." Le 3 juin 1921 par décision des assises, S. Tehlirian a été libéré.
Le procès de Tehlirian a eu une grande résonance socio-politique. Il a été largement couvert par la presse européenne, américaine et arménienne de l'époque, ainsi que par des journalistes germano-turcs.
Après le procès, S. Tehlirian s'installe d'abord à Manchester, puis à Belgrade (Serbie) sous le nom de Saro Mélikian. Il avait sa propre entreprise. Le changement de nom était dû à sa propre sécurité et celle de sa famille. En 1953 il s'installe à Casablanca (Maroc), puis en 1954 à San Francisco (États-Unis), où il décède le 23 mai 1960 sous le nom de Soghomon Mélikian. Son corps a été enterré à Fresno.
De son mariage avec Anahit Tatikian, S. Tehlirian avait 2 fils, Zavèn et Chahèn.
Gohar Khanoumian
Responsable des archives du MIGA, trésorière en chef
Soghomon Tehlirian, juin 1922
Archives familiales d’Ara Oskanian
Le volontaire Soghomon Tehlirian, Erevan, 1915
(Soghomon Tehlirian, Réminiscences (l’Intimidation de Talaat), écrit par Vahan Minakhorian, Caire, 1953)
Procès de Soghomon Tehlirian, 1921
(Soghomon Tehlirian, Réminiscences (l’Intimidation de Talaat), écrit par Vahan Minakhorian, Caire, 1953)
Le ministre de l’Intérieur de l’Empire ottoman Talaat Pacha
Musée-Institut de génocide des Arméniens